mehareesdemaryam
Enamourée, la chaîne de montagnes joue avec les ocres.
L'aube laisse les derniers bleus qui chantent en duo. Une toux caverneuse se répète dans Le Hoggar. Je ne suis pas assez riche pour me soigner. J'ai loupé le point d'eau et nul targui ne sut dans quelle épreuve, je luttais. La montagne mauve s'ébroue. Soudain, le ciel prend feu : l'aurore rougeoit le ciel, et en une évolution imprévue joue sur les roches du bleu au violet. Enamourée, la chaîne de montagnes joue une gamme dans les ocres.
Perdue, je cherche ma route. Tous ces sommets se ressemblent, et un gémissement résonne dans tout le massif chantant sous l'effet du vent. Les montagnes dansent comme savent aussi le faire les arbres ( le chêne fait face, courbé en deux, recroquevillé pour ne point être déraciné). Ô mon chêne protège-toi. Tu viens du pas des roumis et que puis-je faire pour toi en un temps si rude ? Ne bouge plus. Le point d'eau est à une bonne journée de marche. J'étancherai ta soif. Le chêne s'effondre sur le sol Je n'ai rien vu ,les yeux fixés sur ma boussole, et les hurlements des roches ont écrasé le bruit de la chute.
J'avance vers me point d'eau emportée comme un fêtu de paille, et scrutant l'horizon, je contemple la face cachée d'un sommet longuement cherché. Je puis,à nouveau, savoir où je suis. Je remonterai aux pieds de mon chêne avec de l'eau conservée en peau de chèvre.....
A cheval sur mon balai, je nettoie et ma case et mon âme.
Les experts en ménage devraient m'aider. Je suis partie en urgence chez mon père. La maison était mal bouclée (une fenêtre cassée). J'ai commencé par balancer un insecticide en entier. Je tue les bestioles sans pitié, y compris lorsque je ne sais pas s'il y en a. Hypotension orthostatique : j'ai donc des limites. J AI PERDU 7kg.
Je connais des lecteurs qui sont aptes à prendre des airs pincés, prêts à lapider qui met de l'ordre dans sa vie, dans son logis, dans son psychisme. Un proverbe moba (Nord Togo) dit qu'un logis revèle l'âme de ses habitants. En vertu de cet excellent proverbe, je rendrai mon logis plus fonctionnel! Je n'ai pas de vraie cuisine, ni de table pour m'installer et manger sobrement.
Ma bibliothèque est trop petite pour loger tous mes bouquins. Il me faut en créer une de " bric et broc". Le fantôme de ma mère et le choc de sa mort rôdent en ces murs. Ma mère avait parfois des phrases étranges, mais savait ce que ranger des années de vie représente. Le souk de proches a atterri chez elle. Morte accidentellement, elle a laissé un bordel de paperasses. Je me charge, en partie, de faire le tri dans ce fouillis. Je récupère mes lettres et surtout mes cartes du désert dont les photos sont d'Alain Sèbe. Je ne touche pas le courrier d'autres épistoliers ni ne le lis, évidemment. Il faut faire ce genre de choses avec un infini respect. Ma mère avait ce respect des entrailles des autres.
Mon chêne et mon loup (2ème partie)
Ô mon loup, mon chêne est en feu et les officines étaient fermées Ô mon loup, point de marabout pour prescrire ce mopral qui pourrait éviter l'hémorragie. Notre chêne souffre.
Ô mon loup, procure le nectar blanc à mon chêne, nectar précieux qui apaise le feu de ses entrailles. Je veille et prie. Ô mon loup, merci d'avoir couru pour apporter le liquide précieux dont notre chêne a besoin. Ô mon loup, te voici doux comme un chien apprivoisé.
Mon pauvre chêne s'est assoupi sur son fauteuil. Si cher à mon coeur, il part doucement comme les moines de Tibhirine dans le film " Des hommes et des dieux". Il ploie, perd son souffle qui rejoindra les cieux.
Mon chêne et mon loup (1ère partie rédigée chez mon père)
Mon chêne ploie sans se briser. Lorsque le soleil le brûle, je le mets au frais. Il craint tout comme moi le pourpre dont se parent des frères de son espèce.
Mon chêne est le joyau de mon coeur. Dame Chêne perle était. " ...margueritam repérit equus...". Longtemps, ce poème fut déclamé en duo, le jour des noces des tourtereaux.
Sans humour et sans amour, mon chêne a des émotions dangereuses. Son écorce se soulève en saccades, il frôle l'étouffement- sa tempête de sable quotidienne.
Mon chêne et sa perle engendrèrent de jeunes chênes dont beaucoup ont une peur secrète. Alors, ils aboient très fort et j'ai peur. Nul ne connaît la terreur que provoquent de tels aboiements. Ne sais-tu pas que mes racines ont été coupées depuis....? Une voix intérieure te le dit. Ne me brise pas ,mon loup. Il me faut vivre encore pour mon chêne. Ne vois-tu pas mon regard qui ne s'apaise que sous des coktails chimiques qui m'épuisent?
Ô mon loup, ne sens-tu pas combien je veille avec douceur sur mon chêne? Une infinie délicatesse s'impose pour un chêne séculaire , étonné d'être en vie. Ô mon loup, ne me fais plus peur. Mes derniers soupirs doivent être de tendres attitudes et des rires complices. Je ne sais qu'être braise incandescente.
Ô mon loup, la vie me fit dromadaire. Mes racines sont africaines et j'ai très peur de devoir laisser mon chêne. Les larmes de ma bosse inondent mon coeur. Ma caravane repart. Que Le Tout Miséricordieux veille sur nous, non que je sois précieuse, mais ma braise est divine.Ne l'éteinds pas, je t'en supplie, qu'elle éclaire et réchauffe mon chêne.
Mon chêne aura bientôt un siècle. Déjà ses descendants ont franchi le demi-siècle et affronté de nombreux soucis. Pitié, ô mon frère, aux racines attaquées depuis peu. Je connais ta nervure blessée mais ne deviens pas un loup en me voyant.
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Affamée, sans un sou, sur les trottoirs de Paris...
Pas un sou en poche, j'erre dans Paris. Un voile noir devant mes yeux, pas de faim ni d'envie de manger. Je ne sens pas l'hypoglycémie et je m'effondre, en spasmes. Quel est l'idiot qui a appelé les pompiers? Allongée sur un brancard dans un service d'urgence débordé, je reprends connaissance. Je pèse trente kilos, vis en-dehors de ma carcasse. Pas question de traîner aux urgences ! Je réussis à me lever et demande un crouton de pain que je mache lentement, avec difficulté.Je reprends des forces. Mon intuition fut juste. Je file hors de l'hôpital, attrape un métro au vol et rentre chez moi. Il est étrange qu'à Paris nul ne songe à la famine tandis que la misère jette des jeunes femmes à la rue.
A Calcutta, nombreux sont ceux qui se sont inquiétés pour moi sans avoir les moyens de me donner de la nourriture. Mère Teresa dit que la faim d'amour est plus forte que celle du corps. Elle a juste oublié les effets sur le système nerveux de la famine. Fragilisés à se rompre, les nerfs ne peuvent plus lutter contre le désespoir. " Je vais imploser " dis-je en moi-même.
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Je ne veux pas que mon chêne meurt de soif.