Enfin les grands espaces à saveur d'infini. Je marche droit devant moi dans le désert égyptien à Dakhla. Une lueur bleue dans ce blanc étincelant : mirage? J'avance, ivre de joie dans mon ami le désert. Se peut-il qu'il s'agisse de la mer ou de ce qui en reste après des millions d'années? J'atteinds le premier lac salé qui n'est pas assez profond pour nager. Je l'ai immortalisé en photos accrochées à mon mur. Un peu plus loin, le deuxième lac salé est encore moins profond. Assez d'imprudence pour aujourd'hui : retour vers l'oasis. Le lendemain, je m'apprête à partir , à nouveau, me perdre dans le sable infini. Un égyptien s'approche et me parle : " Ne pars pas là-bas, seule. C'est dangereux. Tu as été repérée". Je le remercie et stoppe mes escapades périlleuses. Je retenterai ma chance dans Le Hoggar où les risques sont moindres, les touaregs n'attaquant pas les touristes non provoquants, soit les touristes sans argent, avec un petit appareil de photos non sorti dans prudence. Les habitants ne sont pas des animaux de zoo. Les lacs salés couvrent une argile ocre  à ramasser à pleines mains, à pétrir pour qu'elle ait la consistance appropriée à la sculpture. Je ferme mes yeux en touchant la terre pour laisser venir des formes, des volumes, des directions. Un couple tendrement enlacé naît de mes mains, un exultet en l'honneur de ma si belle idylle...

A El Oued, je monte sur la dune avec Ahmed. Nos regards brillant de joie se croisent. Nos sens s'éveillent. Le berbère en ce cadre a des allures de prince. Il est marié mais je ne pense pas. Je ne suis que sens dans ce sable doré. Ahmed est vêtu d'une djellabah bleue et d'un chèche blanc. Ma dejllabah est noire brodée de blanc et mon chèche est aussi immaculé. J'hume la transpiration d'Ahmed dans les bras de qui je m'abandonne. Nos bouches ne font qu'un : instant divin. Me revient en mémoire Khaled, mon premier amant, beau ténébreux.....Le berbère ne lui ressemble pas, mais son regard et son sourire m'ensorcellent. Borborisée par le désert, je suis amoureuse et mon corps flambe. Nul ne nous voit. Le sable bleuit à l'approche du crépuscule. Notre étreinte est de plus en plus fougueuse. Ma sève monte à l'orée de mon antre. Si l'enfant doit naître, il le fera. Mon corps est en phase féconde et d'autant plus chaud. La nuit cache notre corps à corps. Qu'il nous est difficile de rentrer vers l'oasis. A l'aube, nous partons laissant le sable couleur sanguine...

Comment le saharien peut-il dire si aisément :  " Incha Allah"? Les codes du désert supposent une solidarité totale, et celui ou surtout celle qui sollicite de l'aide sera protégée. Nous étions à El Oued, une amie et moi, cette dernière trop sensuelle et provoquante se faisant agresser, et curieusement avait peur alors qu'elle jouait en permanence avec ce genre de risques. Je voyais de loin l'attitude des rares humains croisés. Je m'avançais vers eux pour leur demander de m'indiquer la bonne direction, et ils nous escortaient. Mon amie ne comprenait rien et j'ai tenté, en vain, de lui expliquer comment se fondre dans les us et coutumes d'un pays. J'étais voilée, parlais l'arabe égyptien, avais le code oriental du regard avec une aisance accrue par mon talent de comédienne. La pauvre femme était si provoquante que je fus celle qui fut agressée à dix kilomètres d'El Oued où nous avions été repérées. J'ai ramassé dignement mes vêtements en lambeaux et sus m'en faire une burqa de circonstance, me suis rapidement changée en arrivant à El Oued, dans la demeure d'un berbère et de son épouse, berbère que mon imprudence a séduit si bien qu'il a divorcé pour moi. Je ne pensais pas que nos échanges de regards sur la dune aient un tel pouvoir séducteur! J'avais accompagné sa femme à l'hôpital pour les soins de leur enfant.

Les sortilèges du désert sont imprévisibles. Ainsi quelques années plus tôt, redescendant du Hoggar, j'ai dormi avec des amis dans une cour. Point d'homme pour me protéger de chaque côté mais une plate bande fleurie et fragile " A l'ombre des jeunes filles en fleur"...Le rire me gagne. Un militaire s'allongea sur la plate bande et me pelota toute la nuit!!! Il en eut des remords le lendemain alors que je lui donnais l'absolution, comprenant la tentation sans la rajouter à mon tableau de chasse déjà fort garni.... " Quand vous serez bien vieille au soir à la chandelle..." " et en substance "vous regretterez  votre fier dédain"!!! Les shaïtan s'emparent de ce blog qui devient coquin!!!

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Pénétrez doucement dans le sable virginal. Ne le souillez pas, ne le modifiez pas afin que le nomade retrouve sa route. Le paysage n'est pas uniforme : la dune légère que vous ne percevez pas est un point de repère pour les touaregs. Partez sans rien : n'emportez que de l'eau et couvrez votre tête d'un chèche de vingt mètres afin d'avoir le crâne rafraîchi par le vent sur le coton humidifié par la transpiration. Partez en laissant vos pensées et vos soucis dans la dernière cité que vous traverserez. Au désert, vous n'avez qu'à recevoir. Brise légère, murmure de l'envol d'un lâcher de sable : arrêtez-vous et contemplez. Si Dieu existe, Il est ici. Si Dieu existe, Il est Amour. Reposez-vous en Lui. Il est solide, Votre Sculpteur! Songez que le frémissement d'un de vos muscles, le léger mouvement de votre cage thoracique selon le travail du diaphragme le bouleverse! Se peut-il que Dieu par nous soit ému? Assurément, et de cette fine pointe de l'émoi qui n'a rien à voir avec le tohu bohu hystérique de vos émotions si angoissantes. Confiez-lui votre angoisse, votre révolte, votre désir de vous tuer, et songez à un jeune père de famille jouant avec son enfant qui se lance en l'air SACHANT QUE DES BRAS SECOURABLES L' ACCUEILLERONT. Le désert est une histoire d'amour. Lorque vous êtes trop loin de ce terrain béni, plongez vos mains dans l'argile ocre, leur imprimant la douceur infinie. Je sculpte et je sais que je touche chaque parcelle de peau du modèle, et Dieu me touche aussi avec cette  infinie délicatesse qui me rend libre aussitôt J'aimerais vous dire aussi que chacun de nous exige beaucoup de lui-même, une sorte de perfection à laquelle la créature isolée ne peut pas parvenir, mais confiés comme Le Secret ( Rodin) dans la main de Dieu, nous ne risquons plus rien.

Pas une seconde, je n'ai hésité quand je suis partie, seule, de Nord Togo pour traverser Le Sahara. J'avais vu ma carte et décidé. L'on s'inquiéta autour de moi, et gentiment l'on m'offrit des antibiotiques. Togo, Haute Volta, Niger jusqu'à Agadès - la porte du désert. Les logis touarègues étaient en paille. Je savais ce que je voulais, eus un rôle de leader lors de cette traversée du désert, ceci indiquant qu'il y a des situations où je me sens sûre de moi dans un ajustement solide. Je suis un roc. J'ai besoin de me confronter à la nature s'ensauvageant, aux obstacles,  aux risques encourus. Sans doute, ma peur se mue en attention et en présence afin d'éviter des scorpions, des serpents, ou l'art de se perdre -moment où il convient d'être très calme pour percevoir un signe de reconnaissance dans l'immensité ensablée. Je pense, à nouveau, à Sylvain Augier dépassant ses peurs par des défis qu'il se donnait à accomplir. Je ne puis expliquer comment s'impose le fameux " Incha Allah"!

Apurer, ne laisser que l'essentiel. Apurer l'esprit et le coeur. Apurer la sculpture naissante. Je n'ai pas sous les yeux  les références d'un ouvrage sur la statue intérieure. Je me sculpte par apuration plus que par ces régimes qui vont me rendre hypocondriaque!!! Apurer dans la transparence de l'aquarelle en faisant chanter le désert de sa voix grave, voix totalement sécurisante et sur laquelle je peux m'asseoir. Une amie russe chanteuse lirique a travaillé ses graves et cette voix terrienne (les chakras correspondent aussi à des notes de musique). Jadis, j'ai entendu un enregisrement de la voix de la terre. Je ne sais comment retrouver cet enregistrement. Apurer en lâchant prise sur la voix de la terre : ainsi est la voie.