Qui te connaît, toi mon amant de sable? Combien sont-ils à tenter de violer ton immensité virginale, en passant par les voies balisées. Nous nous sommes connus hors des pistes : un coup de foudre me prit à la simple vue du sable tantôt doré et légèrement gris, tantôt ocre, souvent presque blanc s'étendant sans limite, entaché de lacs salés et bien davantage de mirages... Entre toi et moi règne une confiance inconnue du commun des mortels. Tu t'offres à ceux qui ne te craignent pas, à ceux qui te contemplent et se lovent en toi, car rien n'est important en face du Tout que tu es. Tout se suspend à ton approche. Jamais tu ne m'as blessée, malgré nos luttes, corps à corps, dans les tempêtes et en l'absence d'eau. Vois-tu : pour toi, j'accepte de mourir. M'entends-tu dans la brise légère? Ami d'Afrique, pourquoi suis-je en France? Tu connais le prix de l'engagement et celui de la fidélité. Ton vide est Plénitude, inimaginable dans les sociétés de quincaillerie qui se croient modernes en tuant la relation et l'amour. Tout est monneyable. Je ne t'ai pas payé : nous étions au-dessus de ces bassesses. Je fus si douce avec toi, te caressant délicatement, respectant tes rares réserves d'eau. J'ai perdu, en toi, le langage des humains, ce langage qui juge et condamne.  Mon âme souffre : j'ai soif de toi.

Proto-écriture déjà évoquée sur les roches qu'étudie Maryam, et qu'elle recopie sur des cahiers, sans forcément en comprendre le sens, car c'est le croisement de plusieurs écritures qui donne l'intuition du sens...Néanmoins, les racines consonnantiques sont les mêmes dans les premières langues du Moyen Orient. J'ai entendu moult comparaisons de racines, dimanche, à partir d'un texte hébreu et compte poursuivre mes explorations comme pour faire une synthèse de mes savoirs, notamment pour l'hébreu et l'arabe égyptien. Songez qu'il y eut peut-être une langue unique dans un espace du monde, et je ne sais ce qu'est le mystère de Babel : " Porte de Dieu"? S'agit-il d'une prétention excessive de l'humain en quête de connaissance, la vraie connaissance relevant de l'essence de l'amour qui sera révélée à l'homme, qui se reçoit mais ne se prend pas parce qu'alors elle loupe son but ( sens du mythe du péché originel) ? Qu'en pensez-vous?

Isabelle Eberhardt, russe, a commencé à apprendre le turc et l'arabe avant de se réfugier dans le désert. Elle espérait vivre de sa plume mais beaucoup de ses manuscrits ont été édités après sa mort. Touarègue avec les touaregs, nomade, initiée au soufisme, elle vécut dans une misère totale, son héritage lui ayant été subtilisé. Elle connaissait " le spleen " contre lequel elle luttait par l'action: écriture, longues chevauchées dans le désert, peintures et calligraphies, et en sus des amants dont l'un devint son époux. Elle a adopté cette vie au début du XXème siècle voire avant...

La lucidité de cette femme sur son spleen et son art de lutter par l'action rejoint en moi des choses esquissées sur d'autres blogs. Isabelle ne prenait nul médicament, abusait un peu du haschiche et parfois de l'alcool...Ce qui me sert dans son expérience, par-delà ma fascination pour le désert est cette lutte consciente contre ses démons intérieurs. Il suffit d'un peu de méthode,  de s'adonner à des tâches qui nous sont tonifiantes : ces remèdes contre l'acédie me semblent être la bonne voie pour moi, d'autant plus que j'ai un tempérament passionné. L'hospitalité du coeur passe par l'art de dépasser les côtés sombres de sa personnalité, sans porter de jugements sur nous-mêmes.

Ô mon amant ensablé, que tes bras me serrent contre toi. Prends soin de moi, me prodiguant la douceur dont j'ai tant besoin. Tu sais bien que je suis mon pire ennemi...Je n'en peux plus : apaise-moi. Mes mains plongent en toi, là où l'eau me laisse de la terre maléable. Je nous sculpte, ô mon amant : tu es la chair de ma chair, l'os de mes os.

Prenons une décision : je te laisse les commandes afin que la douceur irradie de mon être. Tu le sais bien : il convient de contourner ma peur des autres, ma honte de moi, mon ombre. "  Face cachée d'Eve " de Nawel el saadaoui féministe égyptienne.

Pourquoi ne me suis-je pas reposée en toi en ce mardi où la panique m'attaqua ? J'ignorais l'origine exacte de ma peur et ce flou la transformait en pieuvre noire, animal amateur des eaux sombres et contre lequel le sable est le meilleur rempart. Il se mêla en moi chagrin, choc, impression d'avoir commis une maladresse envers des jeunes gens de vingt ans dont le père -mon cousin, vient de mourir. L'annonce du journal m'arriva comme  un choc, comme les propos de mon père, il y aura bientôt cinq ans devant le corps défunt de ma mère : " c'est le néant". Je ne sais pourquoi je fus, à ce point, atteinte par les mots de cette annonce où le mot " douleur" s'alliait à " rappel à Dieu". Plongée dans l'absurde, je ne trouvais plus d'ancrage d'espérance et mon angoisse croissante me fit craindre la folie. A me voir, à l'instant, boire dans un petit verre sans doute d'eau de vie ( éternelle?), je songe au Horla de Maupassant. Il me semble qu'il y a d'étranges expériences de breuvages consommés la nuit par quelque ectoplasme non identifié. Je restai étranglée et tétanisée par mon angoisse tant que je ne pus esquisser quelques mots auprès d'une oreille amicale. Une amie me libéra, partiellement, en fin d'après-midi, puis comme je suis issue d'une famille de farfelus, j'ai appelé mon père au téléphone, lui exprimant la flèche dans le coeur du mot " douleur" et il me répondit : " Je n'aurais pas l'idée de faire part dans la joie...", en riant tout en ayant compris que je butais sur Le Pari de Pascal. A mon tour, j'étais dans le néant, tout en voulant choisir Un Sens, Une Direction par-delà l'épreuve.