Terrassée par le désespoir, Maryam s'est enfoui dans le sable comme dans un caveau. Elle  prend une petite ration d'opium pour dépasser l'acédie. Elle se sent coupable d'être née et d'être encore en vie. Jadis, un sage lui avait dit que nulle faute ne subsistait à la miséricorde divine, les entrailles divines étant comme un manteau protégeant la créature dans le mythe de La Genèse. Maryam voudrait tant nommer cette faute diffuse. Elle n'est pas à la hauteur des désirs de ces géniteurs, mais pourquoi se détruire pour des exigences inatteignables? Ces géniteurs disaient croire en la miséricorde divine et ont oublié la miséricorde parentale, se blessant eux-mêmes, la blessant en introduisant le venin du serpent qui condamne et juge. La Bible dit que le vrai jugement est l'absence de jugement. Poser sa tête sur l'épaule divine et cesser de se torturer... Etty Hillesum a fait tout ce chemin dont nous avons la trace jusqu'au train qui l'emmenait en camp de concentration d'où elle jeta par la fenêtre une carte postale qui fut ramassée et acheminée... Au-dessus de l'ordinateur, des photos de Calcutta en points d'interrogation sur le sens de la vie. Maryam rêve de grandes causes auxquelles s'adonner : n'est-ce pas l'unique sens de l'existence? La nuit tombe et le sable devient violet. Aziza est morte. Le désert est désert... Qui peut survivre sans amour? Faut-il ouvrir davantage son coeur : certainement! " Quand j'étais petite...", j'ignorais la souffrance des adultes. Je suis descendue très bas : je mets en place de quoi remonter.

Je n'ai plus de mots. L'indifférence m'a tuée.

Encore en vie, Maryam n'a rien mangé. Plus d'argent, une nausée venant du fond du désespoir. Oublier, oublier, oublier...mais la drogue fait défaut. Sommes-nous condamnés à regarder l'horreur en face?La carcasse tremble, les nerfs lâchent. Il eut suffi de quelques amis....mais c'est trop demandé. Pourquoi les égyptiens comprennent-ils si vite?Avant qu'il ne soit trop tard, sachez que je n'ai cherché que l'amour dans ma vie.

Il paraît que dans certaines contrées, la loi oblige à aider matériellement ses ascendants, descendants, collatéraux. Ici, jadis, le solidarité des nomades suffisait, mais fuyant le désert, les touarègues s'abaissent à se sédentariser, et c'est ainsi qu'ils meurent. Maryam a rencontré Teresa7 expulsée de son logis, sur un site où j'ai connu la plupart de mes lecteurs. " De l'opium : c'est urgent, je vais craquer". Etouffe ton cri, mon amie. " Hier ist kein warum" ( Ici, il n'y a pas de pourquoi, ce que répondait les nazis aux déportés). Kein warum, et juste le droit de devenir folle, mais je ne leur ferai pas ce cadeau. Je tremble depuis quarante huit heures, sous l'effet de la terreur.  A vrai dire, Maryam ignore le temps que les astres lui laissent deviner. La famille dont est issue Maryam n'est pas pauvre : certains auraient besoin de connaître la faim, le froid. Un dernier essai de contact avant de disparaître : le temps d'entendre la souffrance d'autrui enfermé dans sa maladie.... Il n'y a plus de solution, point de labeur rémunéré à l'horizon, juste des lacs qui s'évanouissent lorsque la jeune femme s'en approche. Mirage ensorcelant. Quel goût a l'eau? Oublié! Maryam se meurt.

J'ai entamé ce blog en raison de la censure concernant mon blog " elisabethdehautsegur.over-blog.com" La censure n'était pas légale. L'histoire de Maryam n'était guère vraisemblable en raison de son âge. Néanmoins, s'y retrouvaient nombre de péripéties que j'ai dû affronter dans L'Infini Ensablé. Je ne puis vous dire combien de fois je suis allée dans le désert, sous l'habit du nomade et non sous l'habit du touriste. Le désert murmure ses secrets aux âmes mystiques, aux assoiffés d'amour inconditionnel. L'atmosphère tient du " Nuage d'Inconnaissance" (texte d'un mystique anglais dont le nom n'est pas connu). Dieu est dans chaque caillou, dans chaque grain de sable, dans l'air que nous respirons....Bien entendu, nous pouvons en dire autant de tout coin de la planète. Le dénuement du désert permet de sentir Cette Présence. Y règne un art de vivre sobrement, profondément libérant. Plus un gadget ne nous encombre. Nos sacs à dos ont déjà un bidon de vingt litres d'eau. Je vous cite quelques ouvrages pouvant vous plaire : " Terre des hommes " de St Exupéry, " Les journaliers " d'Isabelle Eberhardt, certains écrits de Charles de Foucauld, la vie d'Ibn Suna, les pseudo-mémoires de Théodore Monod...Mes lecteurs sont si silencieux que j'ignore ce qu'il serait bon d'écrire!