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mehareesdemaryam

Les heures passent lentement. L'âne lèche le visage de Maryam en guise d'envoi d'eau bénite.

Maryam a un teint vert. L'âne hésite entre la médecine, les derniers sacrements, l'appel de l'exorciste, mais que peut-il faire dans ce désert opaque? Il donne l'alerte dans l'espoir d'être entendu d'Aziza ,d'un humain perdu dans ce tourbillon voire d'un animal lui-aussi apeuré, car pour un âne, la responsabilité d'une femme-enfant est trop lourde. L'âne s'agite tant que Maryam reprend connaissance sans pouvoir bouger. Elle ne reconnaît pas l'âne qui la frôle sans qu'elle le voit et hurle de terreur, revivant le cauchemar de l'agression. Secouée de spasmes, elle découvre l'âne auprès de qui elle dépose de plates excuses, mais l'âne n'a pas eu peur d'elle. Maryam tente de se lever : il fait nuit et le vent de sable l'étouffe. Elle se laisse tomber, désespérée et songeant : " C'est ma faute. J'ai réveillé les génies de la tempête". Depuis sa naissance,Maryam se sait coupable : elle a accepté ce jugement porté sur elle, et n'a pu se convaincre qu'il soit faux. " Pourquoi suis-je en vie? Je dérange tout le monde"...puis elle entend le lancinant : " maudit soit le jour où je t'ai engendrée". Oui, mais il y a Aziza, sa presque mère maintenant. Maryam parle tendrement à l'âne pour qu'il patiente jusqu'à l'aube où elle prend le risque de se mettre en route par amour pour Aziza.

 

Maryam désire aider Aziza qui se fatigue beaucoup pour aller chercher de la nourriture.

" Ya Aziza, je vais chercher de l'eau au lac salé". " Maryam, elle n'est pas buvable". " Ya Aziza, il suffit de la filtrer avec un linge". Aziza s'étonne des idées de cette femme-enfant qui ajoute : " et il faut la faire bouillir avec une herbe qui attrape le sel". Aziza a un brasero pour le thé touarègue, seule boisson qu'accepte Maryam. Refuser le thé touarègue est une offense, et Maryam le sait. Aziza craint que le lac salé soit trop loin pour Maryam mais cette femme-enfant n'en fait qu'à sa tête. Elle prend un âne qu'Aziza utilise souvent, le charge de guerbas, et part vers le lac salé. Aziza a les boyaux tordus :" cette enfant va se faire agresser". Maryam se voile et n'a plus d'âge : elle se cache pour se protéger. Partie à l'aube, elle arrive à midi au lac salé, une mauvaise heure, mais une heures où personne ne vient vers le lac salé. Elle remplit les guerbas ( peaux de chèvres servant d'outres), puis se dirige vers la montagne aux écritures. Le vent s'oppose à ses mouvements. Elle avance, sûre de sa direction, fait galoper son âne, voulant gagner du temps par rapport à l'arrivée de la tempête de sable. Maryam pense en courant :" il n'y a pas assez d'étoffes pour protéger les guerbas". " Que faire pour l'âne?". Maryam court de plus en plus vite...Aziza s'inquiète : elle sent aussi l'arrivée de la tempête de sable. Le sable ocre crépite sur Maryam et l'horizon n'est qu'une nuée rose ensablée. Maryam console l'âne et l'aide à tourner le dos au vent de sable. Elle ne peut pas le quitter : il est terrorisé. Maryam laisse la tête de l'âne se poser sur son épaule et éprouve une étrange sensation : " sera-ce comme cela avec le savant blanc?". " Je voudrais qu'il soit là, tout de suite. Je sais qu'il m'aime". Le sable crépite et Maryam étouffe : elle n'arrive pas à se protéger du vent de sable. Toute son énergie est centrée sur les soins qu'elle apporte à l'âne d'Aziza. Maryam tente de poser les guerbas sur le sol, de telle sorte qu'elles ne perdent pas d'eau. Elle allonge l'âne puis perd connaissance....

 

" Shuf, ya Aziza" : Maryam explique son travail à Aziza qui devine comment sortir de l'illettrisme

Aziza reconnaît les signes classés par Maryam, des signes identiques qui n'ont pas revélé leur secret. Maryam cherche les traces d'une autre écriture, le savant blanc lui ayant dit avoir comparé trois écritures pour trouver le sens. Maryam interroge Aziza : " crois-tu que je peux revoir le savant blanc?". Aziza hésite puis rit : "il est dans le marc de café et vos corps s'aiment à la folie". "Je ne sais pas quand il reviendra. Avec lui, l'amour sera doux et passionné". Les yeux de Maryam s'emplissent de larmes : " cela m'est-il permis? Je ne suis qu'une traînée utilisée par tous". " Maryam, tu n'es pas coupable d'avoir été agressée" lui répond Aziza bouleversée. " Si, c'est ma faute, surtout parce que mon corps a ressenti du plaisir". " Maryam, ne t'inquiète pas : ton corps s'est protégé durant les agressions. Tu as cédé et tu as eu du plaisir. Tu as agi avec intelligence et non par une faute." " Je veille sur ta sécurité : je te laisserai aimer le savant blanc. Au campement, tous pensent que tu es morte. N'as-tu pas tué ton corps?" " Ya Aziza, je ne pouvais que le tuer pour ne plus sentir. Je ne sens ni la faim, ni la soif, ni la douleur. Et toi?". " J'ai fait comme toi, Maryam. On m'a mariée avec un vieux qui ne pouvait pas me donner d'enfant". " Tu n'as pas cherché quelqu'un d'autre?" "Maryam, j'aurais été lapidée ". " Mais moi, je ne suis pas lapidée?" " Maryam, on te croit morte". " Ya Aziza, c'est un peu vrai ". "Il est mort ton mari?" " Oui, mais je suis âgée". " Maryam, j'ai honte de ne pas savoir lire et écrire. Peux-tu m'aider?". " Ya Aziza, je t'apprendrai ce que je sais. Je ne connais pas encore l'écriture de la montagne". "Où vas-tu dans la journée?" " Maryam, je vais chercher de quoi manger même si tu ne veux pas manger. Un jour, tu mangeras un tout petit peu quand tu n'auras plus peur". " Ya Aziza, je t'accompagnerai aujourd'hui". " Non, Maryam, pour toi c'est trop dangereux. Tu dois rester cachée. Tu es faible, fragile, squelettique : je sais que tu ne veux plus manger depuis que les trois hommes t'ont attaquée. Acceptes-tu de vivre pour m'apprendre à lire et pour attendre la visite du savant blanc?". Maryam caresse le sable ocre puis sculpte un couple s'unissant : "je ne peux pas encore vivre, mais quand le savant sera là, il me redonnera la vie, en aimant mon corps".

 

Maryam étudie les signes qu'elle découvre sur la montagne et se sent revivre loin des drames.

Maryam est grisée par la splendeur de la montagne aux écritures. Elle recopie les signes sur le sable, et compte leur fréquence. Maryam ne peut pas déchiffrer encore les textes mais devine qu'ils parlent de la vie, de la mort, de l'amour point qui l'intéresse pour savoir ce qui se passe hors du viol dont elle connaît tous les secrets y compris cet étrange plaisir de la femme qui doit lâcher prise pour ne pas être démolie par l'agresseur. Maryam se souvient très bien du savant blanc qui lui avait parlé d'une pierre de rosette ( c'est joli comme une rose) et d'un nom comme champion, parce qu'il était sûr que celui qui avait découvert l'écriture égyptienne était un champion. Aziza était heureuse de voir Maryam se détendre : elle avait eu si peur de cette jeune femme dont le regard était fixé sur la tombe, non pour croiser celui de Caïn mais pour guetter une issue à une existence trop dure. Aziza avait tout compris en lisant dans le marc de café et elle éprouvait une intense compassion pour Maryam, s'étant écrié : " Ya Maryam, much maoul,. Enti mut" (Maryam, ce n'est pas possible. Tu es morte). Maryam se transformait en professeur pour Aziza illettrée, l'initiant en premier à un alphabet inconnu, en vertu du principe que qui apprend le plus difficile saura d'emblée ce qui est donné au commun des mortels. Au fait, qu'est-ce que le commun des mortels? Maryam a entendu des histoires de barques pour le séjour des morts dans les propos du savant blanc, mais ne comprend pas comment cela peut signifier quelque chose dans le désert. Elle est près d'El Oued en Algérie et non en Egypte. Les morts ne partent pas en chameau? Le blanc n'est plus là : son histoire est très compliquée. Maryam crut comprendre qu'il évoquait l'existence d'une autre vie pour les morts dans un lieu où tous s'aiment. Impossible de faire gober cela à Maryam. Son étude s'intensifie : elle trouvera le code secret, le mystère des messages, les lois de la vie heureuse ....Mais Maryam est heureuse dans son rôle d'explorateur, fut déroutée par les violeurs, ne le fut pas par la tempête de sable. Elle a anesthésié son corps et cultive son esprit.

 

La montagne aux écritures, refuge d'Aziza et de Maryam

Aziza est une sorte d'ermite dotée de pouvoirs de guérisseurs. Elle a un secret qui l'oblige à ne point fréquenter ses semblables et à vivre dans une grotte spacieuse et lumineuse dans la montagne aux écritures à plusieurs heures de marche du lac salé. Elle y conduit Maryam dont elle pressent une parole indicible et elle ne violera pas son silence. Maryam l'a appelée " Maman" ( Ya Omi; article précédent) et Aziza pourrait être sa mère. Elle devine le coeur en sang de cette jeune femme presqu'encore enfant. Aziza comprend que Maryam connaît la mort, la brutalité, la terreur, l'emprise de l'homme qui se sert d'elle comme un jouet, alors qu'elle sort de l'enfance. Aziza offre l'hospitalité à Maryam pour qu'elle se repose, pour qu'elle reste si elle le souhaite. Le visage de Maryam se détend et ses grands yeux noirs déchiffrent avec fascination les signes inscrits sur la montagne. Elle tente de les reproduire sur le sable. Elle s'aperçoit vite que l'on retrouve des signes identiques, qu'elle peut classer ce qu'elle déchiffre. Monte en elle un murmure : " pierre de Rosette". Elle se souvient du blanc qui lui avait expliqué la découverte de l'écriture à partir de la pierrre de Rosette, lors de son passage au campement. Elle se cachait pour suivre les cours réservés aux garçons. Elle écrivait en tamacheq et dans la langue du Coran. Là, de quelle langue s'agissait-il? Aziza illettrée ne pouvait pas répondre. Maryam décida qu'elle parviendrait à comprendre tous ces dessins comme le savant qui décrypta les hiéroglyphes égyptiens. Maryam était dans une joie très fine et presque spirituelle : plus rien ne comptait, ni le bien, ni le mal. Elle se donnait à l'énigme de la montagne aux écritures.

 

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